19 août 2010

Une rentrée qui fait peur...


Rentrée, vacances finies, au revoir l’Italie, l’Espagne, le Mont Ventoux, les ruelles d’Avignon et le vert Tarn. Reposé, détendu, prêt. Mais je dois avouer que cette année est bien la première durant laquelle je n’ai pas réussi à totalement décrocher. A décrocher de l'actualité. Sans doute car les informations me venaient par bribes, par phrase, par morceaux, les voyages à l’étranger aidant, traçant un portrait impressionniste permettant de voir les choses avec plus de liant, plus de synthèse. Et ce portrait fut tout aussi inquiétant que celui de Lord Gray à la fin de sa vie dans le Portrait de Wilde…

J’attache beaucoup d’importance à la Loi et à son esprit et ce qu’elle veut dire. Sans doute car je refuse que la politique ne soit basée que sur le pragmatisme et parce qu’une décision aussi importante qu’une loi a des impacts sur la société au long terme, sur ce qu’elle dit quand elle interdit, et à qui elle le dit. Je me rappelle toujours de cette belle phrase de Michel Foucault: "il faut retrouver le sang qui a séché dans les codes."

Et ce qui s’est laissé voir montre que l’esprit qui doit présider à la préparation d’une loi, à son application et à son évaluation a été attaqué. Et qu'à travers cette attaque, c'est tout son enjeu universaliste qui est remis en cause.

Dans sa réalisation : le rejet de toute tentative de compréhension du réel, ce qui fait qu’une loi se fonde sur un sentiment et non sur une réalité. Derniers exemples en date ? le refus des salles de shoot pour des motifs faux* et les propos de Sarkozy à Grenoble le 30/07 en réponse à Michel Destot demandant un Grenelle de la Sécurité, préférant l’action rapide à la réflexion.

Dans son application : tout apparait comme démentiel dans l’application des lois prévues ou en exercice ! A la fois dans l’égalité de traitement (auriez-vous droit à être entendu chez vous comme Liliane Bettencourt en cas de contrôle fiscal ?), dans la désignation de l’étranger comme coupable rompant avec l’égalité devant la loi (les Rroms, le retour à la déchéance de la nationalité,…), la création de la présomption de culpabilité (cf les derniers propos d’Hortefeux sur Hebbadj) ou encore le fait de faire voler en éclat l’individualisation de la peine en proposant de rendre responsable pénalement les parents d’enfants délinquants. Les exemples ne manquent pas pour montrer à quel point la Loi est dévoyée…

Dans son évaluation : aucune critique n’est acceptée, que ce soit des critiques politiques (Martine Aubry devenant la cible d’une déferlante d’insultes de Bertrand et Lefebvre), libérées (Mediapart et autres…) ou institutionnelles (comme la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU qui s’est fait renvoyer dans ses longueurs). Pire, ce gouvernement se transforme en père fouettard en cherchant à tancer, comme l’a fait Estrosi, les seuls élus qui sont vraiment aux prises avec l’insécurité, à savoir les élus locaux.

Mais de tout cela, de ce que cela signifie, généralement, on en a cure. Le sondage approuvant les mesures annoncées par Sarkozy montre bien cela. Les Français en ont cure de tout cela car ils sont confrontés à des actes d’une violence extrême dans les banlieues (les médias les montant en actualité principale), certes, mais ils sont surtout confrontés à une incapacité de ce gouvernement et de cette droite à résoudre les problèmes. Voyant que rien ne fonctionne depuis leur arrivée, ce sondage montre seulement une envie de solutions, une envie d’une politique, d’une prise en charge, plus que d’une réflexion, car dans beaucoup de domaines, quand on veut de bons sondages, il vaut mieux agir et agir toujours plutôt que réfléchir et réussir.

Et c’est là que se trouve la clé de ce que fait la Droite en ce moment. Elle ne cherche pas du tout à réformer, à réussir ou autre ; elle cherche juste à enfoncer des coins, à rappeler que la lutte contre l’insécurité, c’est son dada, et que l’insécurité, c’est la première des premières questions. Ce gouvernement aurait pu faire le choix de mettre en avant son côté « réformateur », sa réforme prévue des retraites,… chercher une identité plus sur un versant économique. Mais non. En dressant ainsi le théâtre de l’insécurité et en choisissant comme personnage principal l’Etranger, on a devant nous la feuille de route du gouvernement pour ces prochains mois. C’est un peu comme si finalement Sarkozy actait une rupture entre lui et un électorat de droite honteux de sa politique : que faire donc si ce n’est draguait l’électorat de droite extrême et d’extrême droite, au risque de vivre un nouveau 21 avril ?

Cela laisse un espace pour la Gauche. Pour une gauche qui saura porter un discours à la fois anti-sarkoziste et social-réformiste.

Anti-sarkoziste car les années ont montré que le président de la République déroulait un projet néfaste pour nos libertés individuelles et publiques. L’Appel des Appels et le livre « La France en libertés surveillées » de Marie-Pierre de la Gontrie, auquel j’ai contribué, le montre bien. Il y a donc nécessité à d’une part regrouper autour de cette contestation, d’autre part avancer un programme de reconquête de ces libertés.

Social-réformiste car les Français et leurs vies sont dans un état catastrophique : panique du chômage, emploi en berne, crainte en l’avenir pour les jeunes, absence de politique industrielle, de relance et d’innovation, réforme inégalitaire des retraites,… La gauche devra véritablement être en position de porter un nouveau discours capable de redonner espoir, un espoir concret à celles et ceux qui vivent au plus mal la crise actuelle et une sensation d’efficacité aux autres qui en sont protégés, et ce autour de notre nouveau modèle de croissance sur lequel nous venons de travailler.

Gageons que le PS sera faire avancer ces deux objectifs et trouver celui ou celle d’entre nous qui sera le plus à même de mener un des combats les plus impérieux de la Ve République. Pour ma part, dès notre Université d’été, dès les prochaines conventions et surtout dès les primaires, je m’y engagerai pleinement avec toutes celles et ceux avec qui je milite, les mêmes convictions au ventre, depuis déjà plus de 10 ans…

*à cet effet, je me permets de vous recommander ce débat paru sur France 24 il y a peu…

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