12 novembre 2010

« La nuit est la preuve que le jour ne suffit pas.* »


Les 12 et 13 novembre, Mao Peninou, adjoint au Maire de Paris chargé entre autre du Bureau des Temps, organise les premiers Etats Généraux de la Nuit afin de se pencher sur les tensions que nous ressentons tous entre d’un côté celles et ceux qui veulent dormir ou un environnement calme et d’un autre côté celles et ceux qui veulent vivre leur nuit de manière festive ou faire de ce moment la source de leur revenus.

Pour ma part, je ne crois pas qu’il faille opposer les deux car ces deux fonctions font partie intégrante de la mission d’une Ville. Le faire serait tomber dans un travers recherché par certains pour jeter l’opprobre sur d’autres. Mais, autant le constater, nous avons besoin de discussions, de recul et de réflexions pour demain agir mieux. Et quand je dis « nous », c’est aussi bien les élus de la Ville de Paris, que les associations de commerçants, la Préfecture de Police et les riverains et usagers.

C’est la raison pour laquelle je vais me rendre ce soir à un des deux débats de nuit sur le thème « Quelles nuits pour demain ? », regrettant de n’avoir pas pu m’y rendre en journée ; le programme avait pourtant l’air très intéressant ! De la place des commerces la nuit aux discriminations sociales et nocturnes, en passant par un questionnement sur les nouveaux espaces pour la nuit à Paris…

Je vais y aller avec plusieurs interrogations en tête. Et surtout quelques convictions.

Tout d’abord, qu’il ne sert à rien de pointer du doigt des lieux en les stigmatisant alors qu’ils sont plébiscités par une partie de la population. Ces endroits ne sont pas le problème, ils sont une donnée du problème. Qu’ils aient des fois des comportements dépassant parfois les limites, sans doute. Mais la solution, quand ils sont populaires, n’est pas de les fermer mais de trouver avec eux les correctifs ou aménagements nécessaires, dans le respect de la loi. Que l’employeur surveille l’activité de ses clients ? pourquoi pas. Que des zones de consommation debout soit définie ? pourquoi pas non plus. Que des aides publiques soient mises en place pour inciter à insonoriser les locaux ? pourquoi pas. Ne soyons pas enfermé dans un légalisme qui bien souvent confine au ridicule et ne ressemble plus au comportement social.

Ensuite, qu’il est important de pouvoir objectiver les nuisances. Aujourd’hui, que faire quand un riverain se plaint du comportement d’un commerçant qui se plaint aussi du comportement du riverain ? Bien malin, celui qui peut nous donner aujourd’hui des clés de compréhension. Il suffit des fois d’une pétition ou d’une plainte (non vérifiée) pour que la machine administrative se saisisse de tout cela et que cela se termine par une amende ou une fermeture. En tant qu’élu local, j’avoue me trouver en manque d’outil pour juger de la réalité des nuisances. Comme Mao Peninou l’a préconisé, des comités par arrondissement regroupant élus, préfecture de police, associations de riverains et de commerçants pourraient être un bon endroit de définition et de suivi commun des règles et tolérances sur ce dossier.

Également, et c’est dans la suite de ce premier point, que de nouveaux modes de prévention doivent être inventés. Aujourd’hui, les comportements nocturnes ont changé. Bien au-delà des résultats de l’interdiction de fumer, il y a un renforcement du comportement de tribus dans les nuits à Paris, donc des soirées à thèmes qui rivalisent d’originalité pour exister. De ce fait, des dérives peuvent apparaître. La nuit commençant plus tôt, les bars font office de boîtes de nuit, celle-ci ouvrant plus tard. L’autocollant « Paris tranquille » suffit-il donc ? des vigiles rappelant les bons usages sont ils efficaces ? Bah… Allons voir ailleurs, ce qu’il se fait, car soyons en sûrs, Paris n’est pas la seule ville confrontée à cela.

Et enfin, car la nuit, si c’est une économie avec ses chiffres d’affaires et ses employé-e-s, c’est aussi un atelier à ciel ouvert. Un endroit où la culture et ses nouvelles formes se créent, où les nouvelles idées se répandent. Et Paris, c’est aussi cette force d’un maillage très important d’endroits de nuits plus ou moins grands. Etre attaché à cette fonction créatrice, c’est l’avoir en conscience et chercher à la protéger, sans porter de jugement de valeurs sur le bien fondé et la qualité culturelle de ce qui s’y fait ou ce qui s’y dit. Et c’est aussi tenter d’en maîtriser les coûts et les conditions d’accès car le monde de la nuit est tout de même un rien économiquement et territorialement discriminant…

Je vais y aller ce soir sans croire qu’il faille donner raison à un camp contre un autre. Ce serait politiquement trop facile, et un brin électoraliste. Mais ce dossier pose de vrais questions. Certains pensent même que l’avoir ouvert, c’est avoir ouvert la boîte à baffes. Et bien oui… Mais des fois, c’est tant mieux, car les baffes ont l’avantage d’écarter de la réflexion ceux qui s’approchent trop près tout de suite, en faisant trop de bruits autour d’eux…


* Elizabeth Quin

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