04 mai 2010

Mais où donc est l'Europe?


Un texte particulièrement intéressant de Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris, secrétaire international du PS, sur la séquence politique que viennent de vivre l'Europe, la Grèce et le FMI. Après l'avoir lu, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur cette dépêche AFP.

La solidarité européenne en panne

La crise grecque met clairement l’Europe à l’épreuve. Après l’invention par Goldman Sachs et reprise depuis par tout le monde, des BRIC (Brésil Russie Inde Chine) qui était sensé représenter le bloc des émergeants – mais dont il faut admettre qu’il n’est pas aussi homogène qu’on le pense, voici maintenant les PIGS, (Portugal Italie (et Irlande) Grèce Espagne) qui désignent ces pays les plus fragiles de la zone Euro. Ces pays ont en commun d’être la cible des marchés à cause de l’importance de leur endettement. On doit cet acronyme clairement injurieux (« pigs » signifie « porcs » en anglais) à des traders et des journalistes anglo-saxons un jour de 2008. On les accuse de ne pas respecter la discipline budgétaire.

Le gouvernement grec doit affronter la colère de la rue, même si dans l’ensemble, il bénéficie du soutien des deux tiers des Grecs, d’après les sondages et que les syndicats ne font pas souffler de vent de révolte, la rigueur est dure pour tout le monde. Mais, on a l’impression à entendre l’extrême gauche, qu’il est aussi coupable que le gouvernement conservateur qui a été battu aux élections et dont on a découvert qu’il avait trafiqué les chiffres avec l’aide de la banque d’affaires Goldman Sachs.

L’intervention du Fonds monétaire international, si elle est salutaire, n’en est pas moins la démonstration d’une carence européenne.

Si la Grèce avait été une banque, en aurait-il été de même ?

Cela en dit long sur ce nouveau mal qui ronge l’Europe, l’égoïsme politique. Il est économique et national car la stigmatisation de ces pays vient d’autres pays qui ont peur de la « contagion ». L’Allemagne dont les relations avec la Grèce sont anciennes subordonne son discours à des considérations de politiques intérieures qui s’arrêtent aux élections régionales dans le Land de Rhénanie du nord – Westphalie desquelles dépend l’avenir de la majorité conservatrice au Bundesrat.

Face aux difficultés de certaines Etats-membres de l’Union européenne, face aux problèmes qui frappent des régions de nos pays ou des catégories sociales de nos populations, il semble que le trio européen qui devait faire ses preuves, plie devant l’épreuve. L’intervention du FMI est la démonstration de la faiblesse des mécanismes européens quand il s’agit de sauvetage économique ou de thérapeutique financière. La réaction généralement constatée, c’est le « chacun pour soi » et le « débrouillez-vous ». Tout cela fait partie d’un contexte et la nouvelle crise de régime en Belgique, comme le résultat sans appel des élections législatives en Hongrie sont les facettes d’un même phénomène, la droite européenne crie « haro sur la solidarité ».

Aujourd’hui, alors que le libéralisme est en crise du, nous sommes dans une période particulière. C’est un véritable courant antisolidaire qui est à l’œuvre. Il est fait de séparatisme, comme en Espagne avec la Catalogne, en Italie avec le poids croissant de la Ligue du nord comme on l’a vu lors des récentes élections régionales, il y a un mois, en en Belgique avec la querelle linguistique, qui, une fois de plus a mis un terme au gouvernement Leterme. Il est aussi fait d’égoïsme, teinté de nationalisme avec l’attitude d’Angela Merkel à l’égard de la Grèce. Aux Pays-Bas où l’extrême droite (VVE) va tenter une percée lors des élections législatives anticipées. En Hongrie bien sûr, avec la victoire historique du Fidesz, qui rafle les deux tiers du Parlement et qui est en mesure de modifier la constitution à sa guise, une victoire qui fut celle aussi de l’extrême droite avec, pour la première fois, l’entrée du Jobbik au Parlement hongrois. Nous l’avons en France avec le Front national. La liquidation du courant libéral tel qu’il s’est exprimé vient se construire un courant antisolidaire qui exprime qu’il n’y a pas de solidarité à exercer avec d’autres catégories, qu’il s’agisse des immigrés, des pauvres, ou de pays en difficultés.

Si l’Europe n’est pas solidaire, elle meurt. Et si elle meurt, les pays seront sans filet face aux marchés. Imaginez la France avec ses 175 milliards d’euros de déficit ! C’est la rigueur renforcée dans la minute. La solidarité c’est toute l’essence de sa construction que la coopération entre les nations, la solidarité entre les sociétés depuis ce 9 mai 1950 où Robert Schuman expliquait dans un discours fondateur, l’importance du rôle de la France dans la construction d’une Europe solide, prospère et pacifique, reposant sur une base franco-allemande. Un texte perçu à l’époque comme « une saine évolution européenne » par le social-démocrate allemand Kurt Schumacher. Depuis 60 ans, on n’aurait donc rien appris ?

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