01 juillet 2014

Vœu relatif au renforcement de la protection des locataires recevant congé à l’expiration de leur bail et au soutien à organiser de la Ville de Paris



Sur proposition de Pierre AIDENBAUM, Gauthier CARON-THIBAULT et les élus de la majorité du Conseil du 3e arrondissement ;

Vu l’article 2511-12 du Code Général des Collectivités Territoriales ;

Vu l’article 20 du Règlement Intérieur du Conseil du 3e arrondissement ;

Une partie importante des procédures d’expulsions résultent à Paris de congédiements de fin de bail, donnés par les bailleurs du secteur privé.

Dans le 3e arrondissement comme dans tout Paris, une part importante de ces congés sont donnés par des propriétaires n’ayant jamais donnée à bail eux-mêmes, ayant acquis le logement occupé, après un achat soit de lots de copropriété, soit même d’un immeuble entier voué à la découpe: on voit alors le droit au logement du locataire en place bafoué par une acquisition opérée dans un contexte spéculatif.

Or, ces derniers années,  les Tribunaux ont eu tendance à entériner presque systématiquement ces congés, la jurisprudence de la Cour de Cassation ayant progressivement réduit à peau de chagrin l’intention du législateur de 1989 qui avait dévolu au juge du fond le pouvoir d’apprécier si un congé, délivré au motif d’une reprise pour habiter ou d’une vente était ou  non justifié.

Pourtant, ces  congés déstabilisent  souvent  gravement la vie de locataires, dont grand nombre sont arrivés depuis plusieurs années et ne peuvent plus envisager de se reloger dans les mêmes conditions dans leur quartier actuel et sont donc conduits à un exode forcé :    ce mouvement de ségrégation et gentrification  accompagne un mouvement de fonte du « parc social de fait », préjudiciable pour la diversité sociale à Paris.

Dans ce domaine, la loi ALUR a apporté des réformes très importantes, portées par les associations et les parlementaires parisiens et franciliens :
-         - le pouvoir judiciaire de contrôle «  a priori » des congédiements de fin de bail est confirmé, le juge étant spécifiquement autorisé à vérifier la réalité du motif, puis  à décider si oui ou non ces motifs réels  justifient  la « non reconduction de bail » et ses conséquences sur le locataire alors expulsé ;
-        -  en cas d’achat occupé, le congé est délimité : le congé vente est interdit jusqu’à l’expiration d’un bail supplémentaire ;
-               - en cas de mise en copropriété de l’immeuble, le bail en cours est prorogé de trois ans.

Concrètement, les opérateurs de vente à la découpe avaient depuis la loi Aurillac dû admettre des prorogations de baux de six ans à compter de l’achat en bloc, qui repoussent d’autant l’échéance possible pour les  congés-vente qu’ils ambitionnent. Aujourd’hui, c’est la légitimité même de ces congés-vente des découpeurs qui va enfin être réexaminée par les juges.  Dès maintenant,  la prorogation de bail supplémentaire pour mise en copropriété et l’interdiction de congé vente avant une expiration de bail supplémentaire  instituées par la loi ALUR aboutissent à exclure tout congé-vente par le découpeur lui-même avant 15 ans.

La réaction de certains milieux immobilier ne s’est pas fait attendre : des commentateurs accréditent la thèse selon laquelle la réforme des règles de congédiement ne s’appliquera qu’aux baux conclus après la promulgation de la loi… ce qui préserverait du coup  les intérêts de tous les découpeurs actuels.

Les juristes du  Syndicat de la Magistrature et le SAF – qui ont été à l’origine du travail parlementaire conduits avec les sénateurs parisiens  et le rapporteur du texte à l’Assemblée Nationale-  réaffirment, eux, que pour tout ce qui concerne les procédures de rupture de bail, qu’il s’agissent de congés de fin de bail ou de demandes d’application  de la clause résolutoire, la loi d’ordre public de protection s’applique immédiatement, sans distinction aucune selon le moment de conclusion du bail.

La Ville de Paris, dont beaucoup de  ses habitants ont eu à subir les congés abusif dans un contexte spéculatif de liquidation du parc locatif,  se doit de faciliter et accompagner  une vraie mobilisation sur cet enjeu de défense du droit à la stabilité du logement en tant que locataire respectueux de ses droits et obligations. Les associations proposent l’ouverture d’une Maison de l’habitat,  qui verrait les services de l’ADIL 75 appuyer les démarches associatives de mobilisation et de constitution d’argumentaires juridiques adossées sur le nouveau texte de loi.

La Ville de Paris doit y voir un enjeu d’accès au droit et de mobilisation de la société civile autour d’un texte appelé de ses vœux par le Conseil de Paris et maintenant voté par le Parlement : c’est aussi un enjeu important pour les politiques de l’habitat menée par la Ville de Paris.

Bien évidemment, l’ampleur réelle de cette mobilisation et de la résistance judiciaire aux congés abusifs aura aussi une incidence économique  sur les conditions d’acquisition menées par la Ville dans le parc existant, qu’il s’agissent d’immeubles entiers que la Ville de Paris rachète pour protéger les locataires et développer l’offre locative sociale à Paris en alternative à une découpe, ou de fractions d’immeubles rachetés dans le cadre de la postemption, selon les orientations exposées par Anne Hidalgo et déjà rappelés par Ian Brossat, son adjoint en charge du logement.

Les élus du Conseil du 3e arrondissement émettent le vœu que le Conseil de Paris :
-        -  réaffirme son attachement à une pleine application des mesures de protection des locataires institués par la loi ALUR, et à ce que les locataires du parc parisien ne soient pas victimes de congés abusifs, ou de procédures  d’expulsion pour des motifs spéculatifs ;

-        -  demande au Gouvernement de rappeler l’application immédiate de la loi ALUR dans ses disposition d’ordre public de protection pour tout ce qui est relatif à la rupture de contrats locatifs qu’il s’agisse des congés de fin de bail ou du jeu de la clause résolutoire du bail ;

-       -   demande à l’adjoint à la Maire de Paris en charge du logement de veiller à ce que  les actions de protection des occupants soient articulées avec les actions de la Ville de Paris en faveur de la captation du parc locatif privé menacé dans la pérennité de sa fonction locative ;

-          - propose que le « Comité de Veille sur la découpe » qui doit être installé auprès de l’adjoint à la Maire de Paris en charge du logement fasse des propositions, -en liaison avec les missions de l’ADIL 75-  pour que des ateliers participatifs soient rapidement expérimentés et  mis à disposition des locataires menacés de congés abusifs ou spéculatifs.



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