
Une quinzaine d’artistes risquent l’expulsion
Le Parisien - 31/01/2011
Le tribunal d’instance du IIIe se prononcera ce matin sur l’occupation de
l’immeuble du 103, rue de Turenne, vacant depuis une douzaine d’années et
squatté depuis fin novembre par une quinzaine d’artistes (peintres,
musiciens, réalisateurs…). Situé à l’angle des rues de Turenne et
Vieille-du-Temple, juste en face du café le Progrès, ce bâtiment de 865 m2
répartis sur quatre étages, abrite au rez-de-chaussée depuis le 20
janvier, la galerie d’art du Comptoir des couleurs alternatives (CCA).
Sigle choisi en hommage à la propriétaire des lieux, Monique Piffaut,
industrielle de l’agroalimentaire, dont les parents ont longtemps tenu à
cette adresse le Comptoir des chocolats et alcools (CCA), qui a fermé en
1998.
Tableaux abstraits ou figuratifs, sculptures en bronze, grande statue de
mariée à robe à crinoline défoncée qui fait penser à l’œuvre de Niki de
Saint-Phalle : tout est à vendre au CCA! Conseiller en fusion-acquisition,
Anatole, 48 ans, venu en voisin visiter la galerie (ouverte chaque jour de
12 heures à 17 heures), apprécie l’initiative : « Nous sommes très
contents. C’est mieux que les affiches publicitaires pour William-Saurin
ou Paul Prédault dont la propriétaire avait affublé les fenêtres jusqu’à
présent! » Vendeur de tissu dans le Sentier, Paco, 21 ans, en balade avec
sa copine, « aime bien l’espace ».
« Nomade urbain » comme il se définit lui-même, Marc, musicien de 20 ans
qui répète dans la cave qu’il a lui-même insonorisée, attend avec
philosophie la décision du tribunal : « Nous ne causons aucun désordre ni
trouble à l’ordre public. » Faux air de Jacques Dutronc, il invite « Mme
Piffaut » à visiter la galerie : « Elle est la bienvenue! » Sans illusion
sur l’issue de l’affaire, il ajoute : « Le squat doit être un accélérateur
de projets pour le bâtiment. Nous n’avons pas vocation à nous installer
ici ad vitam eternam. »
Au secrétariat de Monique Piffaut, on rappelle que la propriétaire, « très
attachée à cet immeuble où elle a passé toute son enfance », a investi 3,8
M€ pour le rénover et échapper au risque d’expropriation « pour cause
d’abandon manifeste » que lui faisait courir la procédure lancée par le
maire du IIIe il y a une dizaine d’années. Adjoint au logement à la mairie
du IIIe, Gauthier Caron-Thibault s’indigne : « Garder un immeuble vide au
cœur de Paris, c’est indécent! D’autant que la Ville fait tout pour aider
les propriétaires à louer leurs logements vacants. »
Philippe Baverel
Hasard des hasards... Juste après avoir mis cet article en ligne, j'ai été appelé par le collectif d'animation de "Chez Madame". Le juge du 3e arrondissement a auditionné aujourd'hui cette affaire et il a rendu un jugement "sur le siège", c'est à dire le jour-même. Décision: expulsion sans délai. Honte...