15 décembre 2008

Flash Info Compte-Rendu de Mandat - Intervention au Conseil de Paris sur le budget parisien de la lutte contre la grande exclusion


Réunie depuis lundi, l'assemblée parisienne a adopté le budget 2009 et voté l'extension du tramway jusqu'à la porte de la Chapelle. A travers la défense de l'accès au logement et la bataille pour l'emploi, la solidarité est la priorité de l'an prochain : 1,6 milliard d'euros seront ainsi consacrés à la protection des Parisiens les plus fragiles. Plus de 6600 logements sociaux seront financés. Et 200 millions d'euros seront consacrés à la lutte contre la grande exclusion. Sujet sur lequel je me suis exprimé.

Monsieur le Maire, Mes cher-e-s Collègues,


200.

200, c’est le nombre de personnes qui composent tous les jours depuis le début de l’hiver le 115 afin de trouver une chambre, un endroit où passer la nuit et se réveiller le lendemain.

200, Monsieur le Maire, ce n’est malheureusement pas le nombre de places dont nous disposons chaque soir pour éviter ces drames humains qui émaillent régulièrement la presse ces derniers temps.

Et pourtant, 200, c’est aussi le fruit de la situation sociale dramatique que vit aujourd’hui notre pays.

Quand avant hier, il fallait parler de vagabondages, quand hier il fallait dire le clochard ou plus correctement le SDF, aujourd’hui, il faut parler de sans-abris et décortiquer derrière cela l’état d’une société qui laisse peu à peu se désocialiser ses plus faibles éléments.

La population à la rue n’est pas unique mais a un visage multiple qui est le fruit de la crise économique que nous connaissons, du désengagement massif et continu de l’Etat du secteur de la solidarité et d’un manque de réflexion et de coordination des systèmes de traitement de l’urgence déjà existants.

Il y a tout d’abord toutes ces personnes à la rue depuis longtemps, installées dans une exclusion de long terme, soit n’ayant pas pu trouver un lit au bon moment soit refusant l’entrée dans des centres qui pour eux étaient le symbole de violences. Au fur et à mesure, ces gens durcissent leur désocialisation, perdent leurs droits les plus élémentaires comme le RMI ou la CMU et s’isolent totalement comme celles et ceux qui vivent aujourd’hui dans le bois de Vincennes.

Mais depuis peu, l’exclusion a pris un nouveau visage. Celui des travailleurs pauvres souvent peu qualifiés, que le chômage a menés vers l’expulsion et que le traitement social actuel voulu par le gouvernement stigmatise. Celui de ces jeunes travellers, en rupture familiale, sociale et professionnelle, en proie à de multiples addictions, que l’on chasse plus que l’on accueille et aide. Celui de ces exilés ou de ces mineurs étrangers isolés vivant des situations administratives ubuesques.
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Et il y a aussi le renforcement d’un visage de l’exclusion, celui des malades mentaux, qui représentent environ 1 personne à la rue sur 2. Ce chiffre effrayant est le résultat d’un abandon par l’Etat, celui de la question du soin, de son accessibilité et de son efficacité, au-delà de la problématique de l’hébergement. Ne nous étonnons pas de cela quand l’actuel gouvernement impose une logique comptable pour la survie des services hospitaliers. Ne nous étonnons pas mais sachons faire porter ses responsabilités à qui le doit.

Face à cela, Monsieur le Maire, mes cher-e-s collègues, la Ville de Paris a tenu à ne pas oublier dans sa politique sociale cette problématique qui touche tous les arrondissements.

C’est, de 2001 à 2008, 18 millions d’euros investis pour financer 1000 places d’accueil et réhabiliter 2000 places en centre d’hébergement d’urgence pour favoriser la sortie de la rue des personnes les plus faibles. Pour orienter ces personnes vers ces centres, il a fallu organiser les maraudes. Pour faciliter ce travail, une unité municipale d’assistance aux sans abri à été mise en place, composée de 24 agents, et le financement que nous apportons au Samu Social a été rehaussé de 49% depuis 2001 et nos partenariats de mise à disposition de personnels ou d’immobiliers renforcés. Notons aussi l’importance qui a été accordée à la satisfaction de deux autres besoins primaires : l’alimentation à travers les 5,5 millions d’euros consacrés chaque année depuis 2001 à l’aide alimentaire et les premiers soins grâce aux 210 Lits Halte Soin Santé ouverts 24H sur 24, 7 jours sur 7.

Mais, ces résultats, indéniablement positifs malgré le sujet, laissent un arrière goût amer. Celui de la colère d’avoir à faire ce que l’Etat ne fait pas ou ne semble plus vouloir faire. Quand la ministre parle d’un engagement national pour le logement, elle semble rester sourde aux revendications du mouvement HLM et des collectivités locales de trouver les moyens de faire appliquer la loi SRU en matière d’hébergement sur tout le territoire. Je devrais même rectifier ma phrase, Monsieur le Maire, et préciser « certaines » collectivités locales. En effet, si Paris concentre la majorité des places d’hébergement d’urgence avec une place pour 472 habitants, les Yvelines ou les Hauts de Seine en comptent une pour 2 100 habitants et leur inactivité en la matière ne laisse pas présager d’un changement d’orientation ! C’est donc plus que l’article 55 qu’il faut faire respecter, c’est son niveau d’application qu’il faut repenser afin d’obtenir un rééquilibrage de la présence d’hébergement. L’inquiétude est d’autant plus grande que l’hypocrisie de ce gouvernement est sans nom. Comme l’a mentionné Martin Hirsch dans le Monde du 3 décembre, quelle logique y a-t-il à héberger des personnes de la rue dans des hôpitaux psychiatriques fraîchement désaffectés suite aux récentes coupes budgétaires alors que l’on sait pertinemment que la prévalence des troubles psychiatriques dans les situations de grande exclusion est très grande !

Il nous faut donc être responsables pour deux et réaliser en grande partie ce que l’Etat délaisse. Et le budget que vous nous demandez d’approuver aujourd’hui, Monsieur le Maire, montre bien la détermination de la Ville de Paris d’affirmer la solidarité que nous devons avoir avec les plus fragiles et les plus précaires.

2008-2009 sera d’abord marqué par le renforcement du plan grand froid avec l’ouverture de 4 gymnases permettant d’accueillir 300 personnes et la préparation possible de 850 places supplémentaires dans 12 autres gymnases si les conditions climatiques rendent nécessaire une mobilisation supplémentaire. De suite, entre décembre et janvier, ce sera 120 places nouvelles créées dans des immeubles municipaux. Parallèlement, les centres d’accueil de jour et 2 Espaces Solidarité Insertion verront leurs moyens accrus pour permettre pour certains une ouverture non stop. Et pour aller au devant des sans abris, les maraudes du Samu Social et d’Emmaüs seront renforcées tant en personnel qu’en véhicules.

Mais ce qu’il faut particulièrement souligner, Monsieur le Maire, dans le budget qui nous est présenté, c’est la volonté de la collectivité parisienne de joindre à l’efficacité l’innovation sociale à travers ces 2 000 places que vous souhaitez voir financer sous la mandature. En effet, les visages de l’exclusion étant de plus en plus variés, un appel à projet va être lancé afin de mobiliser la créativité et la réflexion des associations de réinsertion sociale pour inventer des structures nouvelles, dont l’objectif serait d’accueillir celles et ceux que les travailleurs sociaux ne réussissent pas à accompagner vers les formes de centres sur lesquelles nous nous appuyons aujourd’hui. Cela tranchera clairement avec la candeur ou la naïveté que peuvent avoir certains ministres quand ils veulent mettre de force à l’abri les personnes à la rue.

Je tiens d’ailleurs à souligner, Monsieur le Maire, le sérieux de la municipalité qui au lieu d’avancer des solutions toutes faites aux « cabanes de Vincennes » préfère lancer une Maîtrise d’Ouvrage Urbaine et Sociale avec Emmaüs pour mieux évaluer les situations sociales de ces personnes avant de proposer des nouvelles formes de structures d’accueil.

A travers ce projet, ce sont ces jeunes travellers, ces habitants du Bois de Vincennes excessivement désocialisés, ces exilés, ces mineurs isolés à qui nous souhaitons venir en aide en prenant en compte d’abord la diversité de leur situation pour affiner les projets d’établissement avec ensuite des structures répondant à leur besoin et à leur problématique. Monsieur le Maire, s’il faut à chacun un toit, il ne faut sans doute pas les mêmes murs pour tout le monde. Et vu la diversité des visages et surtout des parcours que nous présente aujourd’hui l’exclusion, ces 2 000 places spécialisées, fondées sur une vision moderne, répondent à un vrai besoin et il faut souhaiter que l’Etat nous accompagne dans ce projet.

Monsieur le Maire, mes cher-e-s collègues, 200, c’était le nombre de personnes qui contactent tous les jours le 115. 200 millions d’euros, c’est le budget que nous souhaitons investir pour l’hébergement d’urgence et la solidarité avec les personnes à la rue.

Mais sur ce domaine, rien ne pourra se faire si l’Etat n’y met pas du sien et s’il n’entend pas d’une part contribuer financièrement aux résultats de cet appel à projet et d’autre part s’il ne cherche pas à revisiter le versant hébergement de l’article 55 de la loi SRU en organisant le rééquilibrage géographique pour que la solidarité soit véritablement partagée sur tout le territoire de l’Ile de France, entre autre. Tel est l’objet du vœu que le Groupe Socialiste et Radical de Gauche soumet à cette assemblée afin que l’Etat nous donne les moyens et nous accompagne dans la lutte contre la grande exclusion.

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