Sur proposition de Pierre AIDENBAUM, Gauthier
CARON-THIBAULT et les élus de la majorité du Conseil du 3e
arrondissement ;
Vu l’article 2511-12 du Code Général des
Collectivités Territoriales ;
Vu l’article 20 du Règlement Intérieur du
Conseil du 3e arrondissement ;
Une partie importante des procédures d’expulsions
résultent à Paris de congédiements de fin de bail, donnés par les bailleurs du
secteur privé.
Dans le 3e arrondissement comme dans tout
Paris, une part importante de ces congés sont donnés par des propriétaires
n’ayant jamais donnée à bail eux-mêmes, ayant acquis le logement occupé, après
un achat soit de lots de copropriété, soit même d’un immeuble entier voué
à la découpe: on voit alors le droit au logement du locataire en place bafoué
par une acquisition opérée dans un contexte spéculatif.
Or, ces derniers années, les Tribunaux ont eu tendance à entériner
presque systématiquement ces congés, la jurisprudence de la Cour de Cassation
ayant progressivement réduit à peau de chagrin l’intention du législateur de
1989 qui avait dévolu au juge du fond le pouvoir d’apprécier si un congé,
délivré au motif d’une reprise pour habiter ou d’une vente était ou non justifié.
Pourtant, ces congés
déstabilisent souvent gravement la vie de locataires, dont grand nombre
sont arrivés depuis plusieurs années et ne peuvent plus envisager de se reloger
dans les mêmes conditions dans leur quartier actuel et sont donc conduits à un
exode forcé : ce mouvement de ségrégation et gentrification
accompagne un mouvement de fonte du
« parc social de fait », préjudiciable pour la diversité sociale à
Paris.
Dans ce domaine, la loi ALUR a apporté des réformes
très importantes, portées par les associations et les parlementaires parisiens
et franciliens :
- -
le pouvoir judiciaire
de contrôle « a priori » des congédiements de fin de bail est confirmé,
le juge étant spécifiquement autorisé à vérifier la réalité du motif, puis à décider si oui ou non ces motifs réels justifient
la « non reconduction de bail » et ses conséquences sur le
locataire alors expulsé ;
- -
en cas d’achat
occupé, le congé est délimité : le congé vente est interdit jusqu’à l’expiration
d’un bail supplémentaire ;
- - en cas de mise
en copropriété de l’immeuble, le bail en cours est prorogé de trois ans.
Concrètement, les opérateurs de vente à la découpe
avaient depuis la loi Aurillac dû admettre des prorogations de baux de six ans
à compter de l’achat en bloc, qui repoussent d’autant l’échéance possible pour
les congés-vente qu’ils ambitionnent.
Aujourd’hui, c’est la légitimité même de ces congés-vente des découpeurs qui va
enfin être réexaminée par les juges. Dès
maintenant, la prorogation de bail supplémentaire
pour mise en copropriété et l’interdiction de congé vente avant une expiration
de bail supplémentaire instituées par la
loi ALUR aboutissent à exclure tout congé-vente par le découpeur lui-même avant
15 ans.
La réaction de certains milieux immobilier ne s’est pas
fait attendre : des commentateurs accréditent la thèse selon laquelle la
réforme des règles de congédiement ne s’appliquera qu’aux baux conclus après la
promulgation de la loi… ce qui préserverait du coup les intérêts de tous les découpeurs actuels.
Les juristes du
Syndicat de la Magistrature et le SAF – qui ont été à l’origine du
travail parlementaire conduits avec les sénateurs parisiens et le rapporteur du texte à l’Assemblée Nationale- réaffirment, eux, que pour tout ce qui concerne
les procédures de rupture de bail, qu’il s’agissent de congés de fin de bail ou
de demandes d’application de la clause
résolutoire, la loi d’ordre public de protection s’applique immédiatement, sans
distinction aucune selon le moment de conclusion du bail.
La Ville de Paris, dont beaucoup de ses habitants ont eu à subir les congés
abusif dans un contexte spéculatif de liquidation du parc locatif, se doit de faciliter et accompagner une vraie mobilisation sur cet enjeu de
défense du droit à la stabilité du logement en tant que locataire respectueux
de ses droits et obligations. Les associations proposent l’ouverture d’une Maison de l’habitat, qui verrait les services de l’ADIL 75 appuyer
les démarches associatives de mobilisation et de constitution d’argumentaires
juridiques adossées sur le nouveau texte de loi.
La Ville de Paris doit y voir un enjeu d’accès au
droit et de mobilisation de la société civile autour d’un texte appelé de ses
vœux par le Conseil de Paris et maintenant voté par le Parlement : c’est
aussi un enjeu important pour les politiques de l’habitat menée par la Ville de
Paris.
Bien évidemment, l’ampleur réelle de cette
mobilisation et de la résistance judiciaire aux congés abusifs aura aussi une
incidence économique sur les conditions d’acquisition
menées par la Ville dans le parc existant, qu’il s’agissent d’immeubles entiers
que la Ville de Paris rachète pour protéger les locataires et développer
l’offre locative sociale à Paris en alternative à une découpe, ou de fractions
d’immeubles rachetés dans le cadre de la postemption, selon les orientations
exposées par Anne Hidalgo et déjà rappelés par Ian Brossat, son adjoint en
charge du logement.
Les élus du Conseil du 3e
arrondissement émettent le vœu que le Conseil de Paris :
- -
réaffirme son attachement à une pleine
application des mesures de protection des locataires institués par la loi ALUR,
et à ce que les locataires du parc parisien ne soient pas victimes de congés abusifs,
ou de procédures d’expulsion pour des
motifs spéculatifs ;
- -
demande au Gouvernement de rappeler
l’application immédiate de la loi ALUR dans ses disposition d’ordre public de
protection pour tout ce qui est relatif à la rupture de contrats locatifs qu’il
s’agisse des congés de fin de bail ou du jeu de la clause résolutoire du bail ;
- -
demande à l’adjoint à la Maire de
Paris en charge du logement de veiller à ce que
les actions de protection des occupants soient articulées avec les
actions de la Ville de Paris en faveur de la captation du parc locatif privé
menacé dans la pérennité de sa fonction locative ;
-
- propose que le « Comité de
Veille sur la découpe » qui doit être installé auprès de l’adjoint à la
Maire de Paris en charge du logement fasse des propositions, -en liaison avec
les missions de l’ADIL 75- pour que des
ateliers participatifs soient rapidement expérimentés et mis à disposition des locataires menacés de
congés abusifs ou spéculatifs.